dimanche 26 février 2012

      Origine du mot philosophie : merci Pythagore 


Une anecdote antique bien connue nous raconte l'origine du mot "philosophie" ; le héros en est Pythagore. Cicéron nous l'a transmise dans l'introduction au livre V des Tusculanes

Cicéron fait précéder l'anecdote d'une information concernant la nouveauté du mot " philosophie ". Au commencement, dit-il, ceux auxquels on a plus tard donné le nom de "philosophes", étaient nommés "sages". Bien qu'étant une chose très ancienne, la philosophie a reçu son nom propre et adéquat il y a relativement peu de temps. Ainsi, les sept fameux sages grecs étaient appelés par leurs contemporains "sophoi" jusqu'au temps de Pythagore. Héraclide du Pont nous rapporte, continue Cicéron, que le tyran de Phlionte, Léon, étonné de sa sagesse, avait demandé à Pythagore quel était le métier qu'il exerçait. Pythagore répondit qu'il n'exerçait aucun métier mais qu'il était philosophe. Léon, surpris par la nouveauté de cette appellation, lui demanda ce qu'elle signifiait. Pythagore lui répondit par une métaphore. La vie humaine, lui dit-il, ressemble aux jeux panhelléniques auxquels trois genres d'hommes participent : ceux qui cherchent à y gagner le prix et la gloire, ceux qui y viennent pour vendre ou acheter quelque chose, et ceux qui - les moins nombreux et en même temps les plus nobles de tous les participants- n'y cherchent ni la gloire ni la richesse, mais se contentent de regarder ce qui s'y passe.
De la même façon, continua Pythagore, nous aussi, les philosophes, nous sommes venus à cette vie d'une autre vie, non pour y gagner la gloire ou l'argent, comme les autres gens, mais en méprisant à la fois la gloire et l'argent ; nous voulons rechercher, de toute notre diligence, la nature des choses, c'est-à-dire la réalité elle-même. Tels sont justement les gens qu'il appelait "tendant à la sagesse" ,à savoir les philosophes. Leur noblesse consiste justement en ce qu'ils n'ont d'autre intérêt ni d'autre tendance que de rechercher la nature des choses et de la contempler, par quoi ils ressemblent aux spectateurs des jeux panhelléniques.
La modestie exprimée par Pythagore dans le mot " philosophe " nous apprend que la philosophie est quelque chose de dynamique, de potentiel. Elle est une tendance permanente, un processus sans fin ; en tendant à son but, la sagesse, elle ne l'atteint jamais.
Issu du grec, le terme philosophie (philos : amour et sophia : sagesse) veut dire amour de la sagesse.

Le philosophe est l'ami de la sagesse.

vendredi 3 février 2012

Le mythe de Narcisse, origine du narcissisme 

Narcisse était  le fils de la nymphe Liriopé et de Cépnise. Il était un jeune homme d'une beauté éclatante, qui restait insensible aux sentiments d'amour dont il était l'occasion ; la Nymphe Écho, qui éprouvait une muette adoration pour lui, fut rejetée avec mépris et trépassa de douleur.

  Ses sœurs  s'indignèrent et se plaignirent à Némésis de l'égoïsme et de l'indifférence de Narcisse. Alors, la nymphe Écho lui jeta une malédiction : un jour qu'il s'abreuve à une source, il voit son reflet dans l'eau et en tombe amoureux. Il reste alors de longs jours à se contempler et à désespérer de ne jamais pouvoir rattraper sa propre image. Il finit par mourir d'une passion qu'il ne peut assouvir, et est pleuré par ses sœurs les naïades. A l'endroit où l'on retire son corps, on découvre des fleures blanches : ce sont les fleures qui aujourd'hui portent le nom de narcisses.

  L'histoire de Narcisse est passée dans le langage courant ; en effet, on dit d'une personne qui s'aime à outrance qu'elle est narcissique.

mardi 24 janvier 2012

Origine de la philosophie, et évolution historique

  L’histoire de la philosophie commence, en Occident, dans le monde de l'Antiquité grecque, vers le VIIe siècle av. J.‑C.. Avant même que le mot « philosophie » soit en usage, et qu'il désigne par la suite une discipline à part entière, on considère que la démarche intellectuelle des générations de penseurs dits « présocratiques », étudiant principalement la physique, marque une rupture avec les discours mythologiques, religieux et poétiques qui existaient jusqu'alors, et forme à ce titre l'acte de naissance de la philosophie occidentale. Dans la démocratie athénienne, au Ve siècle av. J.‑C., Socrate va révolutionner cette approche et introduire les méthodes qui resteront celles de la philosophie, en centrant ses réflexions sur les questions humaines, et non plus sur la physique, et en répandant l'usage de la dialectique et l'étude des définitions. C'est à Platon, dans ses célèbres dialogues, que l'on doit d'avoir transmis l'héritage de Socrate et popularisé le mot « philosophie », conçue comme une recherche de la vérité, en particulier contre les discours trompeurs des prestigieux sophistes, habiles orateurs et maîtres dans l'art de persuader les foules.

  La philosophie se développe alors suivant plusieurs domaines d'étude, comme une méditation sur la nature, l'âme humaine, l'éthique, la politique, et la connaissance. Aristote, élève de Platon, poursuivra ces recherches et inventera un certain nombre de sciences, comme la logique (science du raisonnement) et la zoologie (étude des espèces animales). Dès son origine grecque, la philosophie a donc partie liée avec différentes sciences, qui deviendront ensuite autonomes au fil de l'histoire. Mais elle propose aussi une réflexion sur la nature de la réalité ou encore de l'être lui-même (ontologie), qui deviendra une branche importante de la philosophie (la métaphysique). Les réflexions éthiques des anciens, poursuivies à l'époque hellénistique par les écoles Épicuriennes et Stoïciennes, qui se prolongeront dans l'Antiquité romaine, mettent majoritairement l'accent sur la maîtrise des désirs et des passions, proposant un idéal de sagesse en vue de mener une vie heureuse.

  À l'issue de l'Antiquité, les thèses de Platon, et surtout celles d'Aristote, domineront la pensée philosophique, qui cherchera souvent à les concilier avec la religion chrétienne, musulmane ou juive : ainsi saint Augustin et les néoplatoniciens, dans l'Antiquité tardive. Au Moyen Âge, c'est principalement dans les monastères et en lien étroit avec la théologie que se déploie le discours philosophique, à travers la traduction et la discussion des écrits des Anciens, dans le monde chrétien et le monde arabe. C'est ainsi la scolastique, synthèse du christianisme et de l'aristotélisme, dont Thomas d'Aquin est à l'origine, qui est la philosophie dominante dans l'Europe médiévale, assurant la vivacité de la dialectique et des travaux sur la logique, comme en témoigne la célèbre querelle des universaux.

  À l'époque moderne, les philosophes européens redécouvrent les Anciens lors du vaste courant humaniste de la Renaissance, et une philosophie politique nouvelle, plus réaliste, fait son apparition (Machiavel, Hobbes). Les penseurs s'inspirent, à partir du XVIIe siècle, des méthodes de la science moderne en train d'apparaître (avec Copernic, Galilée et Newton), pour développer une philosophie davantage centrée sur la subjectivité de l'individu, placé désormais au centre de la construction des connaissances (Descartes, Locke, Kant). Les philosophes sont encore souvent de grands scientifiques (Pascal, Leibniz, Descartes), qui ne conçoivent pas la philosophie séparément de la science, ni des réflexions sur la religion. Différents courants s'opposent concernant la nature des idées et des connaissances humaines, tels que l'innéisme et le rationalisme (Leibniz, Malebranche) contre l'empirisme (Locke, Berkeley, Hume).

  C'est aussi l'époque où la métaphysique, l'Église et la Monarchie vont subir les critiques de la philosophie des Lumières (XVIIIe siècle), Kant ruinant la prétention scientifique de la première par ses études sur les limites de la raison humaine, et d'autres philosophes s'attelant à combattre l'obscurantisme et la tyrannie par le projet encyclopédiste (Diderot, d'Alembert) d'une part, et des traités politiques recommandant le libéralisme, la tolérance (Locke, Voltaire) et le républicanisme (Rousseau) d'autre part. Par ailleurs, à partir du XVIIIe siècle, la philosophie se détache peu à peu des sciences positives, plusieurs de ses branches devenant des disciplines autonomes (ainsi la science politique, la logique mathématique et la biologie).

  À l'époque romantique, l'idéalisme allemand (Hegel, Fichte, Schelling) approfondit la pensée de Kant, en proposant une philosophie systématique réconciliant la philosophie de la nature et la philosophie morale. Toutefois, à une époque de plus en plus marquée par les avancées scientifiques et par l'idée du progrès chère aux Lumières, le positivisme (Comte) va faire son apparition, condamnant la métaphysique au bénéfice des sciences ; Comte invente d'ailleurs une science nouvelle : la sociologie. Les progrès de la méthode expérimentale permettent en outre qu'une branche importante de la philosophie prenne à son tour son autonomie : la psychologie. Avec la révolution industrielle du XIXe siècle, c'est un ensemble de courants d'idées davantage axés sur l'économie et la politique qui font leur apparition, tels l'utilitarisme (Bentham, Mill), le pragmatisme (Peirce, James) et le socialisme (Proudhon, Marx). La fin du XIXe siècle est marquée par des penseurs qui bouleversent radicalement les anciennes doctrines (Nietzsche, Marx, Freud).

  Au XXe siècle, un courant de pensée majeur fait son apparition : la phénoménologie (Husserl). Ce courant de pensée, qui influence le structuralisme (Cercle de Prague, Lévi-Strauss), les entreprises de déconstruction (Heidegger, Derrida), la tradition herméneutique (Ricœur, Foucault) et l'existentialisme (Sartre), forme avec eux ce qu'on appelle aujourd'hui la « philosophie continentale ». On oppose habituellement cette dernière à l'autre grand courant de pensée du XXe siècle, plutôt issu du monde anglo-saxon : la « philosophie analytique » (Russell, Wittgenstein, Quine), fondée sur la tradition logique et l'analyse du langage.






Frise chronologique de l'évolution de la philosophie au cours des siècles.
-----------------------------------------------------------------------------------------



dimanche 22 janvier 2012

Le mythe de Pandore, histoire du mythe

  Lors de la création du monde par Zeus, il n’y avait que des hommes sur terre. Pandore est la première femme créée par Zeus pour punir la race humaine et pour faire du tort à Prométhée qui s’était montré l’ami des hommes ; elle fut donc l’instrument de la vengeance de Zeus.
  Héphaïstos la façonna à partir de l’argile, Athéna lui insuffla la vie et l’habilla, Aphrodite lui donna la beauté pour faire aimer aux hommes ce fléau nouveau, et Hermès lui apprit le mensonge et la fourberie. C’est encore Hermès qui l’offrit à Epiméthée, le déraisonnable frère de Prométhée, qui en fit sa femme.
Les dieux remirent à Pandore une boîte fermée qui contenaient tous les malheurs qui devaient un jour affliger l’humanité. Elle contenait un seul bien, l’Espérance, tout au fond.
  Pandore eut tôt fait de causer le malheur des hommes. La curiosité naturelle aux femmes lui fit ouvrir la boîte, et les peines, les maladies, les querelles et tous les malheurs s’envolèrent et se répandirent sur les êtres humains. Pandore referma précipitamment le couvercle, mais il était trop tard pour empêcher les maux de s’échapper sur la terre. Seule l’Espérance resta enfermée dans la boîte et cria pour qu’on la fit sortir, afin d’alléger les peines qui allaient maintenant affliger les mortels.
  Ainsi, les hommes, qui jusque-là avaient mené une existence sans peines et sans soucis, furent obligés de s’épuiser à la tâche afin d’assurer leur existence.

samedi 21 janvier 2012

Le complexe d’œdipe, histoire du mythe

  Laïos et Jocaste sont roi et reine de Thèbes. Ils décident un jour d'aller consulter la Pythie, oracle d'Apollon, qui leur dit que s'ils ont un fils, celui-ci tuera son père et épousera sa mère. Lorsque ce fils tant redouté nait, Laïos et Jocaste demandent à un serviteur d'attacher les pieds de leur fils et de l'abandonner sur le Mont Cithéron. Des bergers passent par là, détachent l'enfant et le conduisent à Polybe, roi de Corinthe, qui l'éleva comme son fils et lui donna comme nom Œdipe qui signifie « celui qui a les pieds enflés ». Plus tard, Œdipe va consulter la Pythie qui lui apprend la malédiction dont il est victime. Il décide alors de fuir sa famille et quitte Corinthe. Sur son chemin, il rencontre un vieillard   qui l'empêche de passer. Il se querelle avec et le tue.
  En arrivant à Thèbes, Œdipe se trouve face au Sphinx qui pose des énigmes aux passants et dévore ceux qui ne savent pas répondre. Il répond correctement à l'énigme du monstre et ainsi débarrasse le pays du Sphinx. Pour le remercier, les habitants le font roi de Thèbes et il épouse la reine Jocaste qui est veuve. Comme l'avait prédit la Pythie, Œdipe a tué son père et épousé sa mère, mais il l'ignore. Un jour, la peste survient et contamine Thèbes. La Pythie annonce alors que la maladie persistera tant que le meurtrier de Laïos ne se sera pas dénoncé. Œdipe lance alors des recherches afin de trouver le coupable. Mais peu à peu, il découvre le secret de sa naissance et que c'est lui qui a tué Laïos, son père. Jocaste finit aussi par apprendre cette terrible nouvelle et, désespérée, se pend. Œdipe, lui, se crève les yeux. Il est chassé de Thèbes. Guidé par sa fille Antigone, il arrive dans un lieu de culte près d'Athènes où il meurt.

Le complexe d’œdipe, signification



1) Comment définir le complexe d'Œdipe ?
Le complexe d’Œdipe se traduit, entre l'âge de deux ans et demi et sept ans, par le rejet inconscient et normal du parent de même sexe, dû à une projection amoureuse sur le parent de sexe opposé. Cette étape se résout naturellement par l’identification progressive au parent de même sexe.
2) Les origines du concept
Le complexe d’Œdipe a été identifié, pour les garçons, par Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, en référence à la pièce de Sophocle, Œdipe-roi. Abandonné à la naissance, Œdipe est amené à tuer son père qu’il ne connaît pas et à épouser sa mère. Pour les petites filles, on utilise aussi le terme de complexe d’Electre, du nom de l’héroïne grecque qui tua sa mère Clytemnestre pour venger son père Agamemnon assassiné par cette dernière.
3) Les manifestations de ce complexe
- Vers trois ans, voire dès deux ans et demi, le petit garçon devient possessif avec sa mère, il demande plus de câlins et de tendresse. Il peut aussi chercher à entrer dans l’intimité sexuelle de ses parents en pénétrant par exemple sans frapper dans leur chambre. Pour la petite fille, cette phase correspond au moment où elle fait du charme à son père, elle se blottit dans ses bras et cherche à attirer son attention, tandis que sa mère devient à la fois une rivale et un modèle. Freud désigne cette étape sous le nom de phase phallique, puisque le garçon, en pleine phase de découverte de son corps, est conscient que le pénis est un élément clé dans l’intimité de ses parents dont il est exclu.
- Ne réussissant pas dans ces manœuvres inconscientes de séduction, et sans pouvoir mettre de mots sur ce qu’il ressent, l’enfant va souvent refouler sa contrariété qui s’exprimera alors par des colères et des cauchemars, entre trois et cinq ans. Ce moment est appelé "complexe de castration" par Freud, car face au désir du garçon, c’est la punition donnée par le père ressentie comme la plus adéquate.
- Pour sortir de cette situation, progressivement, entre trois et sept ans, l’enfant, dans un processus nommé par Freud la résolution, va renoncer à prendre la place du parent de même sexe, en refoulant dans son inconscient ses émotions et ses passions. C’est l’âge, vers cinq ou six ans, où les petites filles veulent tout faire comme maman et où les petits garçons sont heureux d’adopter des comportements similaires à ceux de papa, de partager des activités avec lui.

vendredi 20 janvier 2012

L'homosexualité en philosophie, points de vues


  Comment l'homosexualité est vue par les philosophes à travers les siècles ? Prenons différents points de vues de philosophes de deux époques distinctes. Nous allons commencer par le point de vue de Platon (-428 à -348av.JC), pour ensuite voir celui de Freud (1856 - 1939) en passant par le point de vue de Michel Foucault (1926 - 1984).

  Dans Le Banquet de Platon, il y est expliqué qu'à l'origine du monde, celui-ci était composé de trois sortes d'humains : des hommes doubles, des femmes doubles et des androgynes, et que ceux-ci ont été séparés en deux êtres distincts suite à leur orgueil démesuré qui les a mené à défier les dieux de l'Olympe. Depuis, les êtres séparés ne souhaite que de retrouver leur autre moitié. L'homosexualité est donc vu ici comme tout à fait naturelle, d'un point de vue moral mais également d'un point de vue biologique, étant donné que les hommes doubles séparés veulent se retrouver (idem pour les femmes doubles), ce qui donne ce qu'on appelle aujourd'hui l'homosexualité. Il apparaît même ici le concept d'âme sœur, et on décrit l'amour comme étant le manque de cet état d'unicité. L'homosexualité selon Platon et la mythologie grecque avec le mythe d'Androgyne est donc tout à fait naturelle.

Michel Foucault (1926 - 1984)


  Selon Michel Foucault, l'homosexualité est une création institutionnelle récente puisqu'elle résulte du discours psychiatrique du XIXe siècle. Il offre ainsi au mouvement gays et lesbiens un formidable argument de dépassement des inégalités, trop souvent perçues comme naturelles.
 





  Freud, lui, renonce progressivement à faire de l'homosexualité une disposition biologique ou une résultante culturelle, mais l'assimile plutôt à un choix psychique inconscient. En 1905, dans Trois essais sur la théorie sexuelle, il parle d'« inversion », mais, en 1910, dans Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, il renonce à ce terme pour choisir celui d'« homosexualité ». Dans une lettre datant de 1919 écrite à la mère d'une jeune patiente, Freud explique : "l'homosexualité n'est pas un avantage, mais ce n'est pas non plus quelque chose dont [on] doit avoir honte, ce n'est ni un vice ni une dégradation et on ne peut pas non plus la classer parmi les maladies". Cependant, des contradictions existent dans l'ensemble de l'œuvre freudienne et l'homosexualité adulte y est présentée tantôt comme immature par blocage de la libido au stade anal, tantôt comme repli narcissique ou encore comme identification à la mère. Freud a en effet affirmé que l'homosexualité résulte d'un arrêt du développement sexuel.
 La conscience, pont jeté entre passé et avenir


Henri Bergson (1859 - 1941)
Cet article n'est autre qu'un passage de L'énergie spirituelle de Bergson, dans lequel il décrit ce qu'est pour lui la conscience. On peut y comprendre, assez facilement, que selon l'auteur, toutes nos pensées sont tournées soit vers ce qui est déjà arrivé, soit vers ce qui va se passer. On ne vit pour ainsi dire jamais l'instant présent, d'autant plus que le présent est une notion très complexe (mais pour comprendre cela, il faudrait étudier la difficile notion du temps selon Bergson). Bref, je trouve ce passage très intéressant et facilement compréhensible, avec la fameuse métaphore de la conscience comme étant un pont jeté entre le passé et l'avenir. Le problème ici soulevé est le suivant : Peut-on vivre et penser le présent ?


"Qui dit esprit dit avant tout conscience. Mais, qu'est-ce que la conscience ? Vous pensez bien que je ne vais pas définir une chose aussi concrète, aussi constamment présente à l'expérience de chacun de nous. Mais sans donner de la conscience une définition qui serait moins claire qu'elle, je puis la caractériser par son trait le plus apparent : conscience signifie d'abord mémoire. La mémoire peut manquer d'ampleur ; elle peut n'embrasser qu'une faible partie du passé ; elle peut ne retenir que ce qui vient d'arriver ; mais la mémoire est là, ou bien alors la conscience n'y est pas. Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s'oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l'inconscience ? Quand Leibniz disait de la matière que c'est " un esprit instantané ", ne la déclarait-il pas, bon gré, mal gré, insensible ? Toute conscience est donc mémoire − conservation et accumulation du passé dans le présent.
      Mais toute conscience est anticipation de l'avenir. Considérez la direction de votre esprit à n'importe quel moment : vous trouverez qu'il s'occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être. L'attention est une attente, et il n'y a pas de conscience sans une certaine attention à la vie. L'avenir est là ; il nous appelle, ou plutôt il nous tire à lui : cette traction ininterrompue, qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause aussi que nous agissons continuellement. Toute action est un empiétement sur l'avenir.
      Retenir ce qui n'est déjà plus, anticiper sur ce qui n'est pas encore, voilà donc la première fonction de la conscience. Il n'y aurait pas pour elle de présent, si le présent se réduisait à l'instant mathématique. Cet instant n'est que la limite, purement théorique, qui sépare le passé de l'avenir ; il peut à la rigueur être conçu, il n'est jamais perçu ; quand nous croyons le surprendre, il est déjà loin de nous. Ce que nous percevons en fait, c'est une certaine épaisseur de durée qui se compose de deux parties : notre passé immédiat et notre avenir imminent. Sur ce passé nous sommes appuyés, sur cet avenir nous sommes penchés ; s'appuyer et se pencher ainsi est le propre d'un être conscient. Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir."

BERGSON, L'énergie spirituelle, éd. Alcan, p. 5-6

jeudi 19 janvier 2012

Le mythe de la caverne, allégorie Platonicienne

  Le mythe de la caverne est une allégorie qui illustre la situation des hommes par rapport à la vraie lumière, c’est-à-dire par rapport à la vérité.

 
  Supposons des captifs enchaînés dans une demeure souterraine, le visage tourné vers la paroi opposée à l’entrée, et dans l’impossibilité de voir autre chose que cette paroi. Elle est éclairée par les reflets d’un feu qui brûle au dehors, sur une hauteur à mi pente de laquelle passe une route bordée d’un petit mur. Derrière ce mur défilent des gens portant sur leurs épaules des objets hétéroclites, statuettes d’hommes, d’animaux, etc...  De ces objets, les captifs ne voient que l’ombre projetée par le feu sur le fond de la caverne. De même, ils n’entendent que les échos des paroles qu’échangent les porteurs. Habitués depuis leur naissance à contempler ces vaines images, à écouter ces sons confus dont ils ignorent l’origine, ils vivent dans un monde de fantômes qu’ils prennent pour des réalités.
  Soudain, l’un d’entre eux est délivré de ses chaînes et entraîné vers la lumière. Au départ, il en est tout ébloui. La lumière du soleil lui fait mal, il ne distingue rien de ce qui l’entoure. D’instinct, il cherche à reposer ses yeux dans l’ombre qui ne le blessait pas. Peu à peu, cependant, ses yeux s’accoutument à la lumière, et il commence à voir le reflet des objets réfléchis dans les eaux. Plus tard, il se sent prêt à en affronter la vue directe. Enfin, il deviendra capable de soutenir l’éclat du soleil.
  C’est alors qu’il réalise que sa vie antérieure n’était qu’un rêve sombre, et il se met à plaindre ses anciens compagnons de captivité. Mais s’il redescend près d’eux pour les instruire, pour leur montrer le leurre dans lequel ils vivent et leur décrire le monde de la lumière, qui l’écoutera sans rire, qui donnera surtout créance à sa révélation ? Les plus sages eux-mêmes le traiteront de fou et iront jusqu’à le menacer de mort s’il s’obstine.

  On distingue sans peine la signification de cette allégorie. La caverne est le monde sensible dans lequel nous évoluons, le symbole de toutes les dictatures, visibles comme invisibles.
Nous sommes enchaînés dans cette caverne, esclaves de nous-mêmes et de notre éducation. La lumière est au dehors, mais il faut du courage pour la rejoindre, supporter la souffrance et la peur pour affronter la vérité. Nous devrons parcourir le sentier, qui est celui de la philosophie, pour espérer entrevoir la lumière.

  Cependant le philosophe, s’il est de son devoir de partager son savoir, aura du mal à le faire accepter par ceux qui sont restés dans la caverne. C’est pourquoi il est souvent rejeté. Il pourra dire ce qu’il a vu (et donc compris), mais il ne pourra jamais totalement décrire le chemin par lequel il est passé. L’apprenti philosophe doit donc entendre et accepter, à travers ce mythe, que sa vision du monde est une illusion, car basée sur des a priori, et qu’il doit sortir de la caverne pour se mettre réellement en quête de la vérité. Pour cela, il doit faire preuve d’humilité, appliquer la politique de la table rase, en oubliant ce qu’il a vu dans la caverne.
Le supplice de Tantale, et sa signification concrète

  Dans la mythologie, Tantale était le fils de Zeus et de la nymphe Plota. Dirigeant du royaume fort fort lointain de Lydie, il fut expédié aux enfers par son père pour y purger éternellement un châtiment à la mesure du crime qu'il venait de commettre. Les bandes magnétiques de l'époque n'ayant pas résisté aux outrages du temps et l'accès aux archives de cette période étant donc assez difficile, les torts de Tantale sont variables selon les sources. Pour les uns, reçu à la table des dieux, il aurait dérobé du nectar et de l'ambroisie, boissons uniquement réservées aux dieux, pour les faire goûter aux mortels. Pour d'autres, il aurait servi aux dieux son propre fils Pelops en ragoût au cours d'un repas, après l'avoir égorgé. Quoi qu'il en soit, Tantale avait fortement fauté à l'encontre des divinités qui ne pouvaient donc que le punir.
  Et Tantale, en partie immergé dans l'eau d'un ruisseau, fut condamné pour toujours à souffrir de soif et faim. À chaque fois qu'il se penchait pour boire l'eau qui l'entourait, celle-ci se dérobait et lorsqu'il tendait les mains pour cueillir les fruits qui garnissaient les branches à sa portée, ces dernières s'éloignaient poussées par le vent.


  Symbole même de la frustration permanente, Tantale ne pouvait obtenir les choses pourtant à sa portée dont il avait tant envie. Quand on parle du supplice de tantale aujourd'hui, c'est pour évoquer la frustration d'une personne qui voit ses désirs toujours sur le point d'être réalisés, mais dont les espoirs sont chaque fois déçus.
Nietzsche contre Wagner, une critique violente



  Qu’on aime ou qu’on déteste Wagner, rares sont ceux qui comme Nietzsche l’ont autant adulé, puis férocement attaqué. Il y a peu de critique aussi farouchement méchante, aussi joyeusement assassine. Nietzsche ne critique pas Wagner, il le condamne et le proscrit : "Wagner est un danger, Wagner rend malade : c’est un magnétiseur, un hypnotiseur, qui nous envoûte, nous assomme et nous épuise…" 
   Pourquoi un tel jugement ? Que peut valoir une appréciation philosophique de la musique ?

  C’est que la musique agit autant sur l’esprit que sur le corps. La musique est action. Nous ne l’écoutons pas seulement en fond sonore ou en bruit de fond, nous nous déplaçons parfois juste pour elle, pour l’écouter, nous en emplir et comme dialoguer avec elle. Ni passante, ni indifférente, mais puissante et envahissante.
  Or, Nietzsche est le philosophe de la légèreté ; Wagner est l’artiste du gigantesque et du grandiose. Le penseur doit avoir l’esprit vif, acéré et délié ; le compositeur déchaîne les grandes passions et les interminables langueurs. Le philosophe veut l’homme libre à la pensée claire, tandis que Wagner nous engourdit et nous enchaîne.
  Il y a plus, car Nietzsche ne reproche pas seulement au Maître de "manier l’éclair et le tonnerre", de surexciter les nerfs et de "peser une pression de 100 atmosphères" : Wagner attire les esprits faibles, quand Nietzsche veut élever des individus forts. Or, la puissance ne s’accommode pas d’une musique si puissante, pense Nietzsche ; le fort n’a pas besoin de force, il l’a déjà en lui.


  Selon Nietzsche, une telle musique ne peut être que du stimulant pour des hommes vides et épuisés. Celui qui est fort aime la légèreté … et doit s’efforcer en toute chose de la rechercher. Pourtant, comment peut-on critiquer Wagner quand on écoute "la chevauchée des walkyries" ou encore "la marche nuptiale" ci-dessus ? Des musiques mondialement connus, composées par Wilhelm Richard Wagner, ce grand compositeur allemand du XIXème.

La mort Épicurienne, une toute nouvelle conception


Épicure, (-342 à -270 av.JC)
"Ainsi le mal qui nous effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons la mort n'est pas là et lorsque que la mort est là nous n'existons pas. Donc la mort n'est rien pour ceux qui sont en vie, puisqu'elle n'a pas d'existence pour eux, et elle n'est rien pour les morts, puisqu'ils n'existent plus."

  Voici une partie des écrit d’Épicure, dans la Lettre à Ménécée. Tout l'argument exposé dans la Lettre à Ménécée repose sur une implacable logique d'exclusion : ou bien nous, ou bien la mort. Jamais, pour qui y réfléchit sans préjugé, le rapport ou le contact entre la mort et nous ne se conçoit. Cela fait parti de son quadruple remède : on ne doit pas craindre les dieux, on ne doit pas craindre la mort, le bien est facile à atteindre, et on peut supprimer la douleur. Il explique en quoi la mort n'est pas à craindre en expliquant ceci : "La mort ne nous regarde pas, nous ne sommes jamais face à elle, elle ne nous concerne point, elle ne nous menace pas comme le prétendent les mythes."

  Le seul mystère de la mort, et c'est un mystère bien vide, est qu'elle ne se rencontre pas en un évènement donné. Si l'on peut dire, c'est un "non-évènement". Bien qu'elle soit très connue et facile à exposer, la doctrine épicurienne de la mort est rarement comprise, car beaucoup ont estimé qu'on ne saurait résoudre la grave question de la mort par une proposition de logique.


La philosophie face au nazisme et ses influences

  Heidegger, philosophe allemand, était adhérent au parti nazi en 1933. Il s'est ensuite retiré de tout implication politique, mais des questions se posaient, surtout en France, sur sa pensée philosophique à cause du troisième Reich et des théories nazies. Encore aujourd'hui des questions se posent. En effet, il a contribué au projet de "solution finale" qui visait à exterminer tous les juifs d'Europe ; il a, par exemple, stoppé le versement des allocations des étudiants boursiers "non-aryens" de l'université de Fribourg. Dans la même université, les étudiants non-aryens avaient des cartes d'inscriptions jaunes, différentes des cartesd'inscriptions normales. Heidegger, en 1945, s'explique en disant que des 1934, il s'était rendu compte que l'idéologie d'Hitler et ses objectifs divergaient de ses idéologies à lui ; il dit "non aux fondements intellectuels et métaphysiques sur lesquels reposait le biologisme de la doctrine du Parti, parce que le social et le national, tels que je les voyais, n'étaient pas essentiellement liés à une idéologie biologiste et raciste". Il a pourtant une influence conséquente en philosophie, et en phénoménologie plus précisément. Il influença des philosophes italiens, espagnols, français, grecs, roumains, américains, ... 

Edgar (Nahoum) Morin.
  Autre grand philosophe du XXème siècle, français cette fois, Edgar Nahoum, plus connu sous le nom d'Edgar Morin, était juif séfarade. En 1938, un an seulement avant la seconde guerre mondiale, il rejoint les rangs du Parti Frontiste (formation de gauche pacifiste et antifasciste). Il entre dans la Résistance de 1942 à 1944 en tant que lieutenant des Forces françaises combattantes. Attaché à l'état-major de la 1ère armée française en Allemagne en 1945, il devient ensuite chef du bureau "Propagande" au gouvernement militaire français en 1946. Un philosophe donc très actif durant la seconde guerre mondiale ; opposé au nazisme, le troisième Reich va lui permettre en quelque sorte de fonder sa philosophie, qui va à l'encontre du nazisme raciste et sélectif idéologiquement.

Claude Lévi-Strauss.
  Enfin, comment parler de philosophie contemporaine sans parler de Claude Lévi-Strauss ?  Né à Bruxelles de parents français, il possède une famille dont les ancêtres sont juifs alsaciens. Il fait ses études à Paris, dans le 16ème. À la fin de ses années de lycée, il rencontre un jeune socialiste d'un parti belge et s'engage alors à gauche. Il s'inspire alors beaucoup de Karl Marx. Il est ensuite militant au sein de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO), chargé d’animer le Groupe d’Études Socialistes, puis d'assumer le rôle de Secrétaire Général des Étudiants Socialistes. Il quitte la France dans le début des années 30. De retour en France à la veille de la guerre, il est mobilisé en 1939-40 sur la ligne Maginot comme agent de liaison, puis il quitte la France en 1941 pour se réfugier à New York. En 1942, il rallie la France libre, l'organisation de résistance extérieure fondée par le général de Gaulle. Il est engagé volontaire dans les Forces françaises libres et affecté à la mission scientifique française aux États-Unis.

  Cet article montre que les philosophes ne sont pas des personnes qui habitent dans des vieux chalets de montagne, reculés de tout, à écrire chacun leur philosophie sans contact aucun avec le monde. Bien au contraire, les philosophes contemporains sont tous plus ou moins impliqués politiquement, et ont joués des rôles importants dans des domaines autres que la philosophie (ici, on voit leur implication ou leur lutte face au nazisme).
Le mythe d'Androgyne, conception de l'âme soeur

Recherche de l'âme soeur ?
 

Dans le "Banquet" de Platon, Aristophane parle de l'amour en s'inspirant du mythe d'Androgyne. Quel est ce mythe ?

   D'après la mythologie, l'espèce humaine est née de l'androgyne. Un androgyne était formé de deux êtres de sexes opposés couplés ensemble. Deux êtres en un seul. Fiers de leur double nature, les Androgynes voulurent défier les Dieux, et notamment Zeus, en tentant d'accéder au royaume des Dieux. Ceux-ci, en colère, et par la voix et les éclairs de Zeus, décidèrent de punir les androgynes en les séparant en deux êtres distincts.
   Ainsi seraient nés les hommes et les femmes tels que nous sommes aujourd'hui. Les Androgynes séparés furent bien tristes et entreprirent de se retrouver. Leur quête était généralement longue. Le mythe dit que l'amour ne serait qu'un sentiment de manque de cet état d'unicité entre deux êtres.

Ainsi, l'âme soeur, l'être aimé, pourrait être la partie de l'androgyne qui vous a été enlevée par la colère des Dieux Grecs.

Un mythe pour décrire ce qu'est l'amour, et qui, finalement, représente bien tout ce que l'on peut ressentir lorsqu'on a trouvé l'âme soeur ...



Le mythe de Sisyphe, une punition inachevable 

  Sisyphe, père du non moins célèbre Ulysse, était selon Homère le plus sage des mortels : il régnait sur la ville de Corinthe qu'il avait fondé, et il y avait développé la navigation et le commerce. Cependant, il était aussi avare et trompeur. Il en avait acquis une réputation de brigand et de voleur. Quand l'heure de mourir vint pour Sisyphe, ce dernier enchaina Thanatos (personnification de la mort dans la mythologie) car il refusait de mourir. Durant ce temps, aucun Homme n'était confronté à la mort. S'apercevant que plus personne ne mourait, Zeus envoya Hadès, dieu des enfers, délivrer Thanatos. Hadès laissa la possibilité à Sisyphe de retourner à Corinthe pour voir sa femme et parler avec elle de ses funérailles. Mais, une fois de retour à Corinthe, il ne voulait plus retourner chez les morts car il savait que l'enfer l'attendait.
  Thanatos vint finalement le chercher de force pour l'amener aux enfers.

  Pour avoir osé défier les dieux, Sisyphe fut condamné à faire rouler indéfiniment une énorme roche ronde jusqu’en haut d’une montagne. Parvenue au sommet, la roche, sous l’effet de la gravité, redescendait jusqu’au pied de la montagne, et Sisyphe devait recommencer sa harassante tâche.

  On perçoit l'absurdité du personnage tant dans le désespoir de tenter d'échapper à une mort inévitable, que dans la tentative d'achever un travail interminable.

" Et je vis Sisyphe qui souffrait de grandes douleurs et poussait un énorme rocher avec ses deux mains. Et il s’efforçait, poussant ce rocher des mains et des pieds jusqu’au sommet d’une montagne. Et quand il était près d’en atteindre le faîte, alors la masse l’entraînait, et l’immense rocher roulait jusqu’au bas. Et il recommençait de nouveau, et la sueur coulait de ses membres, et la poussière s’élevait au-dessus de sa tête. " Homère.